Huffpost - Brexit: le député Alexandre Holroyd décrit l'"inquiétude" des Français


UNION EUROPÉENNE - Encore raté! Cela fait trois ans que la communauté française qui vit au Royaume-Uni est suspendue aux décisions politiques liées au Brexit. Une attente encore repoussée ce lundi 28 octobre par les 27 États membres de l’UE, qui se sont mis d’accord pour un nouveau report du Brexit en janvier 2020, au lieu du 31 octobre comme prévu.

Comme notre sondage exclusif Yougov le laissait penser, les Français du Royaume-Uni, comme une grande partie de la communauté nationale, sont las de ce statu quo qui laisse peser sur eux de nombreuses inquiétudes.

Alexandre Holroyd est le député LREM de la circonscription de l’Europe du Nord qui inclut le Royaume-Uni. Cet élu franco-britannique s’y rend chaque semaine à la rencontre de ses administrés qui sont, dit-il, “très inquiets” pour leur avenir.

Au HuffPost, l’élu relate leurs doutes, tente de répondre à leurs inquiétudes et espère que les Britanniques concluent cette “saga” au plus vite afin de stabiliser la situation économique et sociale des deux côtés de la Manche.

Le HuffPost: Dans quel état d’esprit sont les Français qui vivent au Royaume-Uni après l’annonce de ce nouveau report?

Alexandre Holroyd: Depuis 2016 (année du vote pour le Brexit, NDLR), les Français sont très inquiets. Ils vivent sous une épée de Damoclès, car le marché commun sous-tend tous leurs droits: leurs retraites, le chômage, l’accès à la santé, etc. C’est l’Europe qui acte tous ces droits pour les Français. À partir du moment où les Britanniques ont voté pour le Brexit, l’inquiétude était palpable à la fois sur le plan pratique, mais aussi sur le plan émotionnel, car beaucoup de Français avaient adopté le pays et s’y sentaient bien. Ils ont vécu le Brexit comme un rejet. 

Qu’est-ce qui va changer concrètement pour eux après le Brexit, avec ou sans accord?

Nous avons pris soin, dans le mandat de Michel Barnier en charge des négociations, de prendre en compte la situation des citoyens qui est majeure. Dans l’accord actuel voté par le Parlement britannique, la quasi-intégralité de leurs droits est préservée. Cet accord est en mesure de rassurer les Européens qui vivent au Royaume-Uni et les Britanniques qui vivent en France. 

Et en cas de “no-deal”?

Nous avons adopté à l’Assemblée nationale un projet de loi d’habilitation pour que le gouvernement puisse prendre des ordonnances pour se préparer en cas de “no deal”. J’étais le rapporteur de la commission spéciale, nous nous sommes vraiment penchés sur la situation, ils ont de quoi être rassurés. Par exemple, nous élargissons la période au cours de laquelle ils cotisent pour leurs retraites qui s’arrêterait spontanément en cas de Brexit dur, ou encore leur accès à la sécurité sociale afin que rien ne bloque administrativement pour eux. 

Y aura-t-il une différence entre les Français arrivés avant le Brexit et les autres?

La majorité des droits est conservée dans les deux cas, mais un accord serait très protecteur, car c’est un traité international qui a une plus forte valeur juridique. Ce n’est pas le même poids qu’une simple loi, en cas de Brexit dur, qui peut-être changée au gré des gouvernements et donc adapter leurs droits. Dans les deux cas de figure, on aura la cohabitation de deux populations: celle qui est arrivée avant le Brexit et celle qui est arrivée après leur retrait de l’UE. Ils n’auront pas les mêmes droits. 

C’est-à-dire?

Avec le Brexit, la liberté de mouvement est restreinte. Les Britanniques développeront leur propre politique d’immigration, avec des quotas ou non. Ça dépendra de qui est au pouvoir. Les droits des citoyens ne seront pas les mêmes. Cette cohabitation est source d’inquiétude. Si vous êtes français au Royaume-Uni et que vous allez à l’hôpital par exemple, on pourra vous demander, est-ce que vous êtes arrivé avant 2020? Et il faudra le prouver afin d’être remboursé d’un soin, par exemple.

Que doivent faire les Français qui sont sur place?

Les Britanniques ont mis en place un statut spécial pour les citoyens européens qui, s’ils effectuent cette démarche, seront protégés. Ce statut couvre une grande partie de leurs droits, mais j’ai des inquiétudes pour ceux qui oublieraient de faire ce statut et qui n’auraient donc plus les mêmes droits. J’essaie de les sensibiliser. C’est une démarche désagréable, car leur citoyenneté européenne leur suffisait, aujourd’hui il faut qu’ils se manifestent. 

 

"Il peut y avoir des situations de discriminations"Alexandre Holroyd, député LREM des Français de l'étranger

 

Avez-vous entendu parler d’une recrudescence d’actes ou de paroles xénophobes envers les non britanniques au Royaume-Uni?

Je ne l’ai jamais ressenti personnellement, mais certains électeurs m’en ont fait part. C’est difficile d’avoir une appréciation précise. Est-ce que ce sont des cas individuels ou une tendance? Ce qui est sûr, c’est que le Brexit crée des incertitudes et ces incertitudes sont source de tension. Par exemple, vous êtes propriétaire d’un appartement, avant le Brexit, il n’y avait pas de différence entre un locataire britannique ou européen, aujourd’hui, il se peut que ce propriétaire se dise ‘c’est plus simple de prendre un Britannique’. Même chose pour un emploi: entre deux candidats, l’Européen, avec toutes ces histoires de statuts, peut sembler une embauche plus compliquée. Donc, par désir de simplicité administrative, ou par ignorance, il peut y avoir des situations de discrimination. 

Quelle est la situation pour les Britanniques qui vivent en France ou qui ont une résidence secondaire?

Dans le cas de figure dans “no-deal”, chaque pays prend des mesures unilatérales. La France a donc entièrement la main. Nous allons faire en sorte, à travers les ordonnances, de rassurer la communauté britannique qui habite ici pour qu’ils aient toutes les certitudes sur leurs conditions de vie, leurs droits sociaux et l’égalité devant l’emploi. L’Assemblée nationale a été unanime, toutes oppositions confondues, pour que les Britanniques qui se sont installés sous protection européenne conservent cet engagement-là, celui de la citoyenneté européenne à laquelle nous croyons. 

 

"Il est temps de mettre un terme à la saga"Alexandre Holroyd, député LREM des Français de l'étranger

 

Comment se positionnent les Français face au Brexit?

Une majorité des Européens, dont je fais partie, qui vivent au Royaume-Uni, ont un avis très tranché sur ce Brexit: ils pensent que c’est une erreur historique. Ils préféreraient que le Royaume-Uni reste dans l’UE. Il faut en tout cas conclure cette histoire. Elle pèse trop sur la compétitivité et sur l’Europe. Il est temps de mettre un terme à la saga. 

Comment mesurez-vous les effets sur la compétitivité?

Le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand nous alerte régulièrement sur le sujet: les incertitudes liées au Brexit pèsent sur les investissements, sur les transporteurs routiers, sur les agriculteurs, les pêcheurs, les entreprises qui ont des liens économiques entre la France et le Royaume-Uni. Le climat d’attente commence à devenir mauvais pour les deux économies. Il n’y a encore rien de “dramatique”, mais nous sommes vigilants. 

Prenez-vous part aux manifestations anti-Brexit qui s’organisent à Londres?

Non. En tant que député, je n’ai pas à me prononcer sur le choix des Britanniques. S’il y a un référendum demain, c’est le choix des Britanniques. Ma seule injonction est qu’il le fasse, ce choix. Le parlement britannique a dit “non” à tout jusqu’au dernier accord. Aujourd’hui un nouveau délai est en place. Les Britanniques doivent trancher. 

Le Brexit va-t-il finalement avoir lieu?

Je ne peux vous donner une réponse certaine. Beaucoup dépendra du résultat des élections du 12 décembre. Ces élections ne seront pas “normales” avec des programmes classiques. Tous les partis seront préoccupés par ce qu’il faut faire avec le Brexit. Mais on s’orienterait quand même vers un Brexit négocié.

C’est ce qui ressort à chaque fois, puis la décision est reportée...

Pour la première fois, le Parlement a voté pour un accord. La seule raison pour laquelle il a été décalé c’est que certains parlementaires craignaient que l’accord ne soit pas respecté. C’est inédit. 


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