Alexandre Holroyd : « Développons la finance verte en France »


Député dans la 3ᵉ circonscription des Français de l'étranger, Alexandre Holroyd est très investi sur de nombreuses thématiques qui touchent à la transition écologique. Il livre à notre journal l’étendue des sujets qu’il traite. Des sujets qui lui tiennent à cœur.

Alexandre Holroyd, le sujet sur lequel vous êtes peut-être le plus engagé en ce moment est la « finance verte ». Pouvez-vous nous en expliquer les enjeux ?

L’année dernière le Premier ministre a commandé un rapport sur la « finance verte ». Concrètement, l’idée est d’orienter l’épargne privée des ménages vers le financement massif de la transition écologique. C’est un sujet incontournable aujourd’hui car pour financer un développement plus vert qui touche tous les pans de notre société, nous avons besoin de financements. L’Etat ne peut à lui seul porter cet effort et ce malgré les 100 milliards consacrés à notre plan de relance. A titre de comparaison, en France il existe plus de 5 000 milliards d’euros d’épargne.

Nous souhaitons (...) faire en sorte que les épargnants placent leur épargne à bon escient, pour soutenir des projets en adéquation avec nos valeurs

 

Comment peut-on prendre ce virage et se servir de l’épargne des ménages pour relever les défis qui nous attendent ?

C’est la question sur laquelle je planche depuis 18 mois. J’ai rédigé 24 recommandations pour faire adopter une finance verte au service de l'Accord de Paris et je travaille avec le cabinet de Bruno Le Maire pour leur mise en place. Celle-ci est déjà bien entamé, 17 d’entre elles ont été reprises par le Ministère de l’Economie, de la Finance et de la Relance. Pour bien comprendre où nous en sommes aujourd’hui, voici un exemple. Lorsqu’un consommateur achète une volaille dans un supermarché, il la choisit en fonction des indications sur l’étiquette (standard, label rouge, bio…). Nous souhaitons nous inscrire dans la même logique et faire en sorte que les épargnants placent leur épargne à bon escient, pour soutenir des projets en adéquation avec nos valeurs. S’il pense comme nous que le changement climatique est une urgence, il ne placera pas son argent au service du développement d’une mine à charbon.

L’objectif final est de financer un nouveau modèle de société et également de défendre l’idée que l’on ne peut plus seulement juger la qualité d’un investissement par son retour financier.

 

Tout cela n’est pas un peu compliqué à mettre en place ?

Ce n’est pas facile en effet car au départ il faut d’abord valider ce qui est vert ou moins vert et tout classifier. Ce n’est pas évident car l’argent qui est déposé dans une banque peut ensuite transiter vers des fonds d’investissement ou d’autres intermédiaires et cela peut brouiller les pistes. Des efforts de transparence de la part des entreprises et des banques seront donc nécessaires pour savoir où elles investissent et ce qu’elles financent avec l’argent des épargnants. A nous de trouver des solutions et de donner aux Français le moyen de choisir. L’une des pistes avancées est de mieux rémunérer cette épargne. L’objectif final est de financer un nouveau modèle de société et également de défendre l’idée que l’on ne peut plus seulement juger la qualité d’un investissement par son retour financier. Il faut aussi s’inquiéter de comment il contribue à la société.

Nous sommes aux côtés des Britanniques pour aller à la vision la plus ambitieuse possible de la COP 26. En qualité d’organisateurs, ils sont assez preneurs de nos expériences et de nos suggestions, après le succès de la COP 21 organisée à Paris il y a cinq ans.

 

A l’évidence, cette problématique n’est pas que française ?

Ce sujet est évidemment pris très au sérieux par l’Union européenne, mais aussi par le Royaume-Uni qui accueillera la prochaine COP 26, à Glasgow, début novembre. Nous souhaitons tous nous mettre d’accord pour booster la finance verte, et en parallèle qualifier et quantifier ce qui est vert ou non. Je travaille sur le sujet avec mes homologues britanniques, allemands, du parlement européen, avec les équipe du Trésor, le secteur privé, plusieurs banques centrales. C’est un travail collectif qui englobe finalement beaucoup de monde. Nous sommes aux côtés des Britanniques pour aller à la vision la plus ambitieuse possible de la COP 26. En qualité d’organisateurs, ils sont assez preneurs de nos expériences et de nos suggestions, après le succès de la COP 21 organisée à Paris il y a cinq ans.

 

Alexandre, vous êtes aussi l’un des piliers de la collaboration franco-allemande autour d’un « Green deal »...

Nous avons constitué une assemblée parlementaire franco-allemande qui regroupe une centaine de députés répartis dans différents groupes de travail. Avec mon homologue allemande Barbara Hendricks, ancienne ministre fédérale de l'Environnement, je suis co-responsable d’un groupe de travail sur le Green deal devant orienter toute la politique environnementale et économique européenne. Nous essayons de construire ensemble des propositions franco-allemandes durables sur des sujets transversaux qui recouvrent par exemple l’agriculture, l’hydrogène, la finance verte, l’automobile… tout ce qui va mener à la transformation de notre économie.

 

Vous entendez ainsi faire figure de locomotive européenne sur ces sujets ?

L’objectif est double : il est d’abord de créer des structures et des cohérences entre les Français et les Allemands d’une façon bilatérale. Et ensuite oui, effectivement, il s’agit de pousser ces sujets ensemble à Bruxelles. Cela va en général plus vite lorsque la France et l’Allemagne sont déjà d’accord. De fait, nous essayons de trouver des consensus.

 

Abordons aussi le projet de loi « Climat et résilience » dont les Français vont beaucoup entendre parler. Vous êtes également très impliqué ?

Je suis en effet membre de la commission spéciale qui travaille sur le projet, notamment sur tout ce qui concerne les thématiques logement, production et consommation. C’est un sujet très ambitieux. Nous commençons à examiner le texte qui est issu des propositions de la convention citoyenne, baptisé comme vous l’avez indiqué « Climat et résilience ». Ce texte comprend 69 articles et nous venons d’apprendre que 5 000 amendements ont été déposés.

Ce texte (...) a pour vocation de contribuer à s’assurer que nous allons respecter nos engagements en matière de diminution des émissions de carbone pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

 

Rappelez-nous la genèse de ce texte…

L’idée de cette convention citoyenne est née lors de la préparation du « Grand débat », organisé il y a plus de deux ans. 150 citoyens tirés au sort ont réfléchi pendant 18 mois à des propositions. Ils ont publié un rapport qui a été transmis au gouvernement. Ce dernier en a tiré un projet de loi soumis à présent au Parlement. Nous allons l’examiner durant six semaines. Il sera ensuite voté avant d’être présenté au Sénat et de revenir à l’Assemblée nationale. Ce texte est très important car il touche à bon nombre de sujets différents : la production, le transport, l’agriculture, le logement… Il a pour vocation de contribuer à s’assurer que nous allons respecter nos engagements en matière de diminution des émissions de carbone pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il s’inscrit donc dans la continuité de plusieurs lois importantes que nous avons adoptées, notamment la loi Énergie et le Climat (2019), la loi d’orientation des mobilité (2019) et la loi Agriculture et alimentation (2020). J’ai été sélectionné pour faire partie de cette commission spéciale regroupant environ 70 députés. Nous allons examiner ce projet de loi article par article, proposer des changements avant de le soumettre au vote, d’abord en commission puis après dans l’hémicycle pour qu’il soit adopté.

Nous devons doper la capacité de nos entreprises à produire en étant notamment respectueuses des plafonds d’émissions de carbone

 

Un projet qui va guider la politique du gouvernement dans les années qui viennent?

L’enjeu fondamental est là, parce que nous sommes dans une période charnière, une période de relance, c’est l’occasion de prendre un vrai virage et d’impulser des grands changements d’appareils productifs. Au travers ce texte, nous entendons préparer notre économie en prenant en compte la dimension climat. Nous devons doper la capacité de nos entreprises à produire en étant notamment respectueuses des plafonds d’émissions de carbone. Un sujet de compétitivité majeur pour l’avenir.

Quand une personne allume la lumière le matin, elle ne se demande pas si son électricité provient du nucléaire, de l’éolien ou du solaire. Par contre, identifier les produits alimentaires afin d’indiquer s’ils sont bons ou pas pour le climat, est un élément beaucoup plus ancré dans le quotidien de chacun

 

A l’échelle du citoyen, qu’est-ce que cela va changer ?

Un des éléments essentiels de l’action publique est de faire en sorte qu’elle soit lisible, crédible et prévisible. Et ce projet de loi s’inscrit dans ce que nous pouvons appeler « le dernier kilomètre ». Une notion très importante, je m’explique. « Le dernier kilomètre » c’est ce qui va toucher directement le citoyen comme les déplacements aériens de moins d’1h30 par exemple, mais aussi la façon dont il se loge ou se nourrit. A titre de comparaison, cela n’a rien à voir avec les choix que nous opérons pour faire évoluer notre mix énergétique. Quand une personne allume la lumière le matin, elle ne se demande pas si son électricité provient du nucléaire, de l’éolien ou du solaire. Par contre, identifier les produits alimentaires afin d’indiquer s’ils sont bons ou pas pour le climat, est un élément beaucoup plus ancré dans le quotidien de chacun.

 

C’est donc une loi portée à la base par des citoyens… pour les citoyens ?

Exactement. Le gouvernement a simplement converti les propositions de 150 citoyens en une proposition de loi. Puis le texte arrive à l’étude au sein de notre commission avant d’être présenté et voté à l’Assemblée nationale et au Sénat. Notre commission a pour mission de faire évoluer le texte. Ce travail est suivi d’un regard très attentif par l’exécutif, notamment Barbara Pompili (ministre de la Transition écologique), Emmanuelle Wargon (Ministre Déléguée chargé du Logement) et Julien Denormandie (Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation). Après c’est à l’Assemblée nationale de se prononcer sur ce qui sera ou non compris dans la loi finale.

 

 

Par Laurent Colin | Publié le 16/03/2021 à 17:50 | Mis à jour le 17/03/2021 à 12:24 


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